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23 mai 2012 3 23 /05 /mai /2012 10:35

bamidbar

Devenir un désert !

« L’Eternel (YHWH) parla à Moshé dans le désert du Sinaï, dans la tente de du rendez-vous, le premier jour du deuxième mois, la deuxième année de leur sortie d'Egypte pour dire »

« Plus haut il est dit : Tels sont les commandements que l’Eternel  ordonna à Moshé, pour les enfants d’Israël, et ici il est dit : dans le désert, pour t’apprendre que la Torah et les mitsvoth ne sont acquises que par celui qui se rend tel un désert. »

Baal Hatourim

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Le Baal Hatourim est resté célèbre dans l'exégèse rabbinique un interprète du second degré. En effet, il ne s'arrête pas au sens littéral (pshath), comme Rachi[2], Rachbam[3] ou Sforno[4], mais il prend le texte comme prétexte. Il propose alors, par son interprétation, d'éclairer le verset en conformité avec une tradition orale.

Parmi ses méthodes d'investigation, nous trouvons, comme ici, le principe de sémikhout ou principe de « juxtaposition ». Toute proximité textuelle induit une proximité de sens.

On pourrait comparer cette méthode herméneutique au travail de la psychanalyse sur le rêve. Le signifiant n'est pas seulement dans le récit, mais dans l'interprétation donnée.

Le Baal Hatourim pose, dans notre cas de figure, une juxtaposition entre le dernier verset du livre de Vayikra "Il appela" (Lévitique) et le premier verset de notre paracha qui évoque "le désert".

Pour notre auteur, cette proximité n'est pas seulement d'ordre historique, mais surtout religieuse ; elle dit quelque chose à celui qui a décidé de servir Dieu, c'est-à-dire celui qui a accepté de pratiquer le corpus des mitsvoth dans sa vie.

A quelle condition, ce service de Dieu, avodath Hashem, peut-il être authentique, répondre à l'appel prophétique ? La réponse est donnée par la symbolique du désert.

Le désert évoque un espace vide, un espace silencieux, un espace rigoureux aussi. Nous sommes des citadins, nous avons oublié ce qu'est le désert. Le bédouin pourrait nous parler de son lieu d'existence. Il pourrait nous enseigner en quoi ce silence, ce vide et cette rigueur sont constructifs de notre être, de notre parole. En hébreu, d'ailleurs, midbar "désert" signifie "lieu de la parole" (lieu du dibbour).

Faire de sa vie un désert pourrait signifier se vider de notre plein d'orgueil, savoir prendre nos distances par rapport à l'illusoire, au superficiel, à la brillance éphémère ; faire de sa vie un désert, ce serait s'attacher davantage à l'être qu'à l'avoir, à l'être plus qu'au paraître. 

Pour certains maîtres, le désert est symbole d'humilité. Être humble ne signifie pas s'éloigner du monde, dénigrer sa personne, se diminuer à ses propres yeux.

Je crois que l'humilité signifie rester en vigilance pour recevoir des autres, de la vie, du monde ; cela signifie être en vigilance par rapport au manque d'autrui, à sa souffrance, à son égarement. Cela signifierait aussi savoir descendre vers les plus petits que soit, non pour les écraser, mais pour les aider à s'élever.

Peut-être est-ce là la preuve que nous avons vraiment intégré la parole divine, transmise par Moshé, le plus humble des hommes, homme du désert s'il en fut.

Philippe HADDAD

 

 

 

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