Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
2 septembre 2011 5 02 /09 /septembre /2011 21:31

bernheim gilles

 

 

Le Printemps arabe, la disparition de Ben Laden, les discours du Président Obama,

ouvriront-ils la porte à une ère nouvelle et à des espoirs de paix et de sécurité au Proche

Orient? Nul ne le sait. Ce temps m’inspire aujourd’hui de livrer quelques réflexions et espérances

• A mes amis des pays arabes: Israël est un pays imparfait, né d’un rêve nécessaire.

Certains parmi vous refusent Israël parce qu’ils poursuivent un rêve contraire: l’unité arabe

contre l’humiliation coloniale. Ce thème de la colonisation moderne comme événement inouï,

comme une sorte de viol et de coup d’arrêt à une histoire millénaire, veut ignorer la nature

même de cette histoire antérieure, comme probablement de toute histoire. Ainsi, s’il y a

aujourd’hui des Arabes en Afrique du Nord, c’est parce que des Arabes l’ont colonisée à

partir du VIIe siècle. Et les premiers «colonisateurs» non arabes du Proche-Orient n’ont pas

été des Européens, mais d’autres musulmans – les Turcs seldjuks d’abord, avec bien peu de

douceur, les Turcs ottomans ensuite.

 Je ne veux minimiser ni les erreurs, même bien intentionnées, ni les crimes véritables

de l’impérialisme occidental, ni la spécificité de certains des traumatismes qu’ils ont pu

causer, mais il me semble que vous gagneriez à sortir de la mystification qui présente vos

peuples sans aucune responsabilité dans leur propre histoire, comme ayant uniquement subi ce

que d’autres – les Occidentaux – leur auraient imposé. Le Printemps arabe vous donne de

nouvelles raisons d’être fiers.

• A mes amis et concitoyens d’Europe, dire que notre difficulté à désamorcer les

manipulations anti-occidentales m’interpelle. Les pavés de nos grandes villes, habitués aux

manifestations anti-israéliennes, restent désespérément silencieux pendant les massacres en

Libye et en Syrie. J’ai aujourd’hui le sentiment très amer de deux poids et deux mesures dans

la morale, la solidarité et les Droits de l’Homme, selon qu’il s’agit ou non d’Israël.

De façon plus générale, l’inquiétude, le relativisme et le pessimisme prévalent en

Europe. Nos sociétés auraient-elles perdu toute vision et toute ambition? Elles sont perçues

comme riches, puissantes, mais vides de valeurs. Les solidarités tendent à s’y réduire à des

dispositions administratives. Si chaque individu est libre – c’est l’un de nos principes

fondateurs – cette liberté est trop souvent exercée au profit du plus grand conformisme:

consommer, se faire plaisir.

Il est temps pour nos sociétés européennes de retrouver fierté et confiance, solidarité et

espoir. Le Printemps arabe peut nous aider dans cette démarche parce qu’à l’instar de la chute

du mur de Berlin, il ouvre une délicate transition où l’Europe unie peut se mobiliser pour la

construction de sociétés plus libres et plus ouvertes. Mes propos sont loin d’être idéalistes car

c’est l’Europe entière qui devra porter le fardeau si la transition est une impasse.

• A mes amis israéliens: certains d’entre vous, résolument pacifistes, cultivent la

culpabilité d’avoir pris des terres aux Palestiniens. D’autres voient en ces terres la patrie de

nos aïeux et font valoir que les retraits du Liban, puis de Gaza ont seulement abouti à des

pluies de missiles ou de roquettes tirées depuis ces territoires sur les villes d’Israël.

Si j’ai souvent dit ma sympathie pour toutes les victimes, israéliennes et

palestiniennes, j’observe que des dirigeants palestiniens – hier l’OLP, aujourd’hui le Hamas –

ont commis bien des erreurs, nourri bien des chimères, valorisé le jusqu’au-boutisme et la

violence. Un Etat palestinien aurait pu exister dès 1947 à la suite du vote de la résolution 181

par les Nations Unies, si les Palestiniens et l’ensemble des Etats arabes n’avaient pas choisi de

s’y opposer par la guerre. Le Printemps est contagieux: un sondage indiquait en mars 2011

que 67% des habitants de Gaza souhaitaient des manifestations contre le Hamas, à l’instar de

ce qui se passait dans les autres pays arabes.

Tenants du Grand Israël, je comprends votre douleur face à la perspective de devoir

peut-être renoncer à certaines terres, pourtant promises au peuple juif dans la Bible. J’ai

toutefois envie d’ajouter deux choses. Israël étant l’Etat-nation du peuple juif et les Juifs

enseignant la morale depuis des siècles, Israël n’a par conséquent d’autre option que de se

conformer à la morale. Ce raisonnement éminemment valide présuppose néanmoins que l’Etat

d’Israël et son caractère juif soient acceptés par tous, avec sincérité et sans ambiguïté, parce

qu’il est moral que le peuple juif ait son Etat.

 • Aux jeunes générations arabes qui sont aux avant-postes des révolutions: je ne vous

connais pas, mais j’admire votre courage. Vous avez accompli l’impensable, pourtant le plus

dur est devant vous. Les transitions sont longues et souvent troublées parce qu’il faut changer

tous les référentiels. Vous avez la chance de vivre dans des pays très jeunes où vos

générations sont ou seront bientôt majoritaires. C’est une opportunité pour faire peau neuve et

pour regarder autrement l’Europe ou Israël.

 Qu’est-ce que le sionisme si vous faites fi des propagandes qui vous entourent depuis

votre naissance? C’est un humanisme qui offre à tous les peuples des raisons de croire en euxmêmes.

 Le sionisme atteste, par l’exemple, qu’aucune oppression n’est irrémédiable,

qu’aucun désert n’est stérile à jamais et que l’espoir est toujours justifié. Il est une région de

l’esprit autant que de l’espace: idée de l’Homme et de ses droits, patiemment bâtie en Orient

au moment même où, dans ces tragiques années 1930 et 40, elle s’effondrait en Occident. Et il

demeure, dans sa part la moins périssable, profondément fidèle aux paroles de Herzl: «Nous

ne demandons à personne à quelle race il appartient, il nous suffit qu’il soit un Homme».

 • Enfin, je veux terminer par un message à mes frères dans toutes les religions. Dans

ce temps où les statu quo s’effondrent et les lignes bougent, les religions ont un rôle à jouer,

quelle que soit la foi de chacun. Ici en Europe, là-bas, de l’autre côté de la Méditerranée, elles

sont un vivier où nos sociétés peuvent puiser de quoi retrouver confiance et fraternité,

redonner du sens à leurs valeurs. L’exemple qui m’est le plus naturel est celui du judaïsme,

premier des monothéismes et fondateur d’une certaine idée de l’universalisme: car dire que

Dieu est un, n’est-ce pas une façon de dire qu’il est le Dieu de tous? Et la filiation est évidente

entre les dix Commandements et les droits de l’Homme.

 J’ai la conviction que si elles s’en donnent la peine, les religions peuvent contribuer à

régénérer notre identité à tous, qui se reconnaît certes dans le moment historique des Lumières

et de la formulation des droits de l’Homme, mais qui n’est pas le privilège de l’Occident,

comme les révolutions arabes l’attestent avec force.

 C’est cette identité porteuse d’espoir qui, plus sûrement que les armes et la

technologie, pourra faire barrage à l’inquiétude, au fondamentalisme et à la barbarie. Identité

d’êtres humains rationnels et moralement responsables, humanité de l’homme à laquelle il

faut d’abord s’efforcer mais qu’il faut aussi appeler comme la pluie de la vie par nos prières.

Partager cet article
Repost0

commentaires

P
<br /> <br /> Merci pour les visites à Thionville du grand Rabbin. Charisme, humilité, que du bonheur lors de notre rencontre lors de l'inauguration de la place du Rabbin Henri Levy.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Modestement, pour souvenir, je vous propose de visionner sur www.thionville.tv Rubrique "Ca s'est passé" du 1er janvier 2010,  l'inauguration en votre<br /> présence de la place du rabbin Levy, assassiné à Auschwitz, mais également le reportage sur le Musée de la Résistance et de la Déportation de Thionville, rubriqque "Patrimoine" du 10 octobre<br /> 2011.<br /> <br /> <br /> Je vous avoue qu'en plus d'être un simple citoyen, je suis également  Réalisateur, vidéaste et réalisateur de ces modestes reportages qui rendent hommage à celles et ceux qui ne sont plus là<br /> pour témoigner mais également à  celles et ceux ceux qui n'ont  pas eu pour diverses raisons   la force de témoigner devant tant l'horreur.<br /> <br /> <br /> Fraternelles salutations cher Grand Rabbin<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Pierre Stegmann<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
V
<br /> <br /> Encore un texte plein d'intelligence, de finesse et d'équilibre. Merci M. Bernheim !<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
J
<br /> <br /> Monsieur le Grand Rabbin Gilles Bernheim a beaucoup de discernement et de sagesse. Si seulement il pouvait être entendu par le plus grand nombre !...<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre