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1 juin 2011 3 01 /06 /juin /2011 17:07

laparachaNasso

téchouva : Parole de retour

Une idée originale :

Le principe religieux de la  téchouva constitue une idée forte du judaïsme. De la racine chouv, la téchouva signifie « retour » et d’abord « retour vers Dieu ». Les hassidim décomposent TECHOUVA en « TACHOUV – H » = Retourne (vers) Dieu ; Dieu étant symbolisé par la lettre H.

La téchouva signifie que rien n’est jamais définitif, que l’homme n’est pas prisonnier d’un destin, mais qu’il peut toujours construire sa destinée.

Au plan philosophique ce concept n’est pas évident, car il remet en  cause la notion d’irréversibilité du temps. Ce qui est fait est fait, et ne peut être défait. Sous l’angle de la physique ou de la biologie ne retrouvons cette idée, à savoir que la matière ou le corps vivant garde mémoire de tout le passé. Comme disait Lavoisier : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. » Celui qui saurait déchiffrer l’univers pourrait y lire son origine.

La psychanalyse parle de la névrose comme une « faute originelle » qui condamne le névrosé à revivre indéfiniment ses mêmes manques, ses mêmes erreurs, ses mêmes fantasmes.

La téchouva, en cela l’idée est-elle intéressante, implique que l’on peut effacer un certain passé, celui de la faute. Bien entendu nous parlons de la faute en tant que transgression religieuse, c’est-à-dire par rapport à une législation révélée : la Torah. La faute aurait ici un caractère contingent et non définitif. La faute traduit un raté de l’existence. Tel est le sens du mot heth = faute, littéralement « rater la cible ».

La faute n’est pas un péché :

De ce fait, l’idée du péché n’existe pas dans le judaïsme. Le péché induit un état permanent de la faute. Le pécheur est souillé ad vitam æternam. Le péché s’inscrirait dans une fatalité. Au fond, toute conception du péché originel découle d’une vision tragique, grecque, de l’Histoire. Il existerait une désespérance ontologique. L’homme ne peut rien contre ce factum. Iphigénie doit mourir !

Nous sommes aux antipodes du judaïsme qui fonde, au nom du Dieu créateur, un optimisme de l’Etre : l’Etre peut se régénérer, par la puissance d’une volonté positive. Ce fut le discours répété des prophètes : « La réussite dépend de vous, pas de Dieu. ». Herzl prophétisait en disant : « Si vous le voulez ce ne sera pas un rêve ! »

Dans cet esprit, les sages d’Israël enseignent : « Quiconque se repend ressemble à un nouveau-né. » La faute est un raté, qui traduit une immaturité de l’Etre, qui grandit par ses échecs ; à condition : de prendre conscience de l’échec et de vouloir s’améliorer. L‘humilité est ici un moteur d’élévation morale et spirituelle.

La téchouva dans la Torah :

La source scripturaire du principe de téchouva se trouve dans notre paracha Nasso (Nombres / Bamidbar V, 5 à 7) : « Et l’Eternel (YHWH) parla à Moïse pour dire : parle aux enfants d’Israël, un homme ou une femme qui commettraient toute faute d’homme, commettant une transgression contre (la loi de) Dieu, cette personne sera coupable. Mais ils confesseront leur faute … »

Maïmonide dans son Michné Torah, (Lois sur le repentir §I et ss.) écrit :

« Tout commandement de la Torah, positif (à faire) ou négatif (à ne pas faire), si un individu le transgresse, soit volontairement, soit involontairement, lorsqu’il fera repentir pour revenir de sa faute, exprimera la confession devant Dieu, béni soit-Il [et pas devant un rabbin ou une autorité quelconque] ainsi qu’il est dit : « un homme ou une femme qui commettront toute faute d’homme … ils confesseront leur faute.… A notre époque, du fait qu’il n’y a plus de Temple, et que l’autel pour l’expiation (kippour) n’existe plus, nous n’avons plus que la téchouva. Car la téchouva fait expiation pour toutes les transgressions. »

De Moïse à Freud :

La notion de confession est très intéressante au plan psychologique, et n’a rien à voir avec une quelconque masochisme. Il s’agit en fait de faire « entendre à ses oreilles ce qui sort de sa bouche ». Nous dirions aujourd’hui : ne pas se raconter des histoires. Assumer ses erreurs est le meilleur moyen de s’améliorer, si l’on veut s’améliorer. Ce principe mosaïque a été retrouvé par le père de la psychanalyse : Sigmund Freund. Toute la cure analytique consiste à dire et à redire sa propre histoire, sa propre mémoire, ses propres désirs, jusqu’à réussir à cerner le plus honnêtement possible son Moi authentique.

Au fond, la Torah demeure audible pour le croyant et le non croyant, car même vis-à-vis de ce dernier, la Torah offre une voie de sagesse.

Philippe Haddad

 

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