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26 octobre 2011 3 26 /10 /octobre /2011 14:32

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La valeur de l'interdit

Cette paracha Noah présente une humanité violente et corrompue qui se laisse aller à ses instincts sans retenue. Les hommes refusent l'interdit de Dieu qui avait dit à Adam "de tous les arbres du jardin tu mangeras, mais l'arbre de la connaissance du bien et du mal tu ne mangeras pas…"

En fait cet ordre laisse :

1-      La possibilité de jouir (manger de tout),

2-      Tout en limitant une jouissance dévastatrice.

Des recherches psychologiques ont montré la valeur structurante de l'interdit (celle du père, des parents, des éducateurs). Le jeune se confronte à la limite pour mieux apprendre à se connaître.

Le "il est interdit d'interdire" de mai 68 n'a-t-il pas laissé un arrière-goût amer à une jeunesse tente de plus en plus de connaître toutes sortes de dépendances (vidéo, alcool, drogue, violence, sexualité, etc.).

Il fut un temps, pas si lointain, où les parents voulaient être les amis de leurs enfants, les bons copains. Selon la Torah, les relations verticales doivent rester verticales. Les enfants apprennent à être des adultes, quand ils rencontrent des adultes, même s'il faut parfois passer par des tensions entre les générations.

L'interdit, surtout s'il est d'origine divine, doit sans doute s'entendre comme une bénédiction pour tous les hommes.

Les états d'âme de l'Eternel

Avant le déluge, Dieu nous fait part de ses "états d'âme" : "L'Eternel regretta (vayinah'em) d'avoir fait l'homme sur terre. Nous avons là un anthropomorphisme qui appelle une interprétation de nos maîtres.

Voici une discussion que nous trouvons dans le midrash Genèse Rabba § 27.

Rabbi Yéhouda et Rabi Néhémie discutent. R. Yéhouda interprète : Je regrette car ce fut une erreur de ma part d'avoir créé l'homme d'en-bas (de la terre), car si Je l'avais créé d'en-haut (du ciel), il ne serait pas rebellé contre Moi. R. Néhémie interprète : Je me console d'avoir créé l'homme d'en-bas, car si je l'avais créé d'en-haut, il aurait entraîné la rébellion en haut.

Deux lectures d'un même mot

Ces 2 interprétations sont possibles du fait que le verbe nih'am peut signifier "regretter" ou "consoler". C'est là un aspect récurrent de la lecture biblique d'où la possibilité de lire différemment. Pour R. Yéhouda Dieu exprime Ses regrets, pour R. Néhémie Dieu se trouve une consolation, comme on dit "ça aurait pu être pire". Comment interpréter cette discussion ? Nous nous référerons aux enseignements d'Emmanuel Levinas.

L'en-bas et l'en-haut :

L'en-bas, la terre, est le monde relatif, le lieu où le bien et le mal sont mélangés, au point que l'on peut nommer mal ce qui est bien et bien ce qui est mal (la justice des uns n'est pas la justice des autres) Dieu crée l'homme d'en bas, c'est-à-dire loin des valeurs absolues. C'est en quelque sorte le pari de Dieu : Demander à l'homme de réussir une histoire morale en étant travailler par le bien et le mal, et en choisissant le bien.

R. Yéhouda exprime une vision pessimiste: l'homme tel qu'il est ne pourra pas avancer vers le bien de Dieu. Il y aura toujours conflits, guerres, violences, rebellions. Tout au plus tout au long de l'histoire, des êtres d'exception deviendront des phares à condition qu'ils soient écoutés. Pour autant, le monde des valeurs absolues reste une référence pour tout un chacun.

Pour R. Néhémie, Dieu se console, car la situation aurait pu être plus grave : une rébellion d'en-haut.

Selon Levinas, le monde d'en-haut représente le monde des valeurs absolues : la justice, la vérité, la bonté, etc. Ce monde est la référence du monde d'en-bas dans lequel ces valeurs sont donc relativisées. Pour Hegel, l'Histoire est la marche en avant de l'incarnation des valeurs absolues. Levinas critique cette conception hégélienne, car au nom de cette conception de l'Histoire, l'individu reste relativisé. Si au nom des valeurs absolues (le monde d'en-haut) on écrase le sujet humain, alors du point de vue de la Torah, ce serait la catastrophe absolue. C'est ce que dit Levinas : "toute valeur porte en son sein son stalinisme qui pervertie cette valeur".

Philippe Haddad

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