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17 décembre 2009 4 17 /12 /décembre /2009 10:25

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Ce Shabbat sera marqué par les bougies de Hanoukka. Nous allumerons les huit bougies vendredi avant les veilleuses shabbatiques.

 

C.S.

 

MIKETS

Le Thème principal de notre Sidra a pour propos les songes. La Bible attribue une certaine importance aux songes. Les visions sont quelquefois significatives et servent de moyen de communication avec D.

La talmud à son tour  précise à ce sujet : «  Quoique j’aie caché  ma face à Israël, je veux communiquer avec lui par des songes »  (Haguiga,5b) Quant à leur interprétation, elle est le privilège des gens inspirés. La Bible nous fournit une illustration de cette affirmation. Dans plusieurs cas qu’elle relate. Le premier cas de communication avec D à travers un songe concerne le patriarche Jacob. Nous voyons Jacob attacher autant d’importance à son rêve qu’à toute autre révélation divine. Il avait l’habitude de communiquer avec D. de différentes manières et ne se méprenait guère sur le sens de ce qui lui avait été confié.(Genèse XXVIII, 12-15 )

Le deuxième cas est celui de Joseph qui ne doute pas de la véracité de ses songes tandis que Jacob ne semble pas leur accorder toute l’importance voulue. Le Midrache Tanhouma dit « Joseph n’a été vendu qu’à cause d’un rêve … et n’est arrivé au pouvoir que grâce à un songe »

Cependant, le pouvoir d’interpréter un songe n’est pas le lot de tout un chacun. Seuls les personnes dépourvues d’inspiration divine n’arrivent pas à découvrir le sens caché des songes. C’est le cas de Pharaon qui a recours aux interprètes. La conduite de Pharaon soulève beaucoup de questions et particulièrement celle-ci : Pourquoi le roi d’Egypte rejette t-il d’emblée l’interprétation des mages tout- puissants et accepte sans hésitation celle de Joseph ? Abravanel estime « que celui qui voit un songe révélateur se trouve momentanément sous l’effet de l’inspiration divine, mais il est impuissant, au réveil, de réaliser les images et les symboles. Ce n’est qu’une interprétation juste qui a le don d’éveiller en lui des réminiscences et de lui rappeler ainsi ce qu’il semble avoir oublié »

On peut compléter cette analyse d’Abrabanel en disant que Pharaon a été impressionné par la force de persuasion qui émanait des paroles de Joseph. Il admirait aussi en Joseph la force de ses convictions et de sa vérité. Joseph avait compris l’angoisse de Pharaon, qui est à l’origine de ses rêves. Cette angoisse avait pour origine l’obsession provoquée par la phobie de vivre une année sans le débordement du Nil duquel dépend la vie des Egyptiens. Par conséquent il avait remarqué en Joseph quelque chose de rare et de précieux qui conférait à l’entourage un sentiment d’harmonie et surtout de sécurité.

Dans un commentaire rédigé par Madame Krakowski , cette dernière écrit : «  Le rêveur et l’homme d’action représentent deux contrastes, deux oppositions radicales. Le premier reste insensible aux réalités quotidiennes ; les intempéries de la vie n’arrêtent pas l’élan de son esprit et ne l’empêchent pas de viser très haut. Le deuxième ne fixe ses racines que dans le monde du réel ; c’est en lui qu’il puise son courage et c’est à lui qu’il consacre le meilleur de son effort. Ces deux genres de personnes adoptent d’une façon générale des voies diamétralement opposées et n’arrivent pas à trouver un langage commun. »

 

« C’est cependant une vérité incontestable que le rêve est à la base de tout progrès, le promoteur par excellence de la réalité en marche. Sans rêves et sans rêveurs nous demeurerions encore, à l’heure actuelle, à la pénombre des temps reculés, à l’état des êtres primitifs. »

 Le cas de Joseph ne rentre pas dans le cadre de l’analyse de Madame Krakowski pour la simple raison qu’il parvenait à conjuguer en lui deux structures mentales tout à fait antinomiques. D’un côté, Joseph avait un caractère de rêveur et de l’autre, il avait un sens aigu de la réalité qui l’aidait à découvrir le réel dans les chimères. C’est parce qu’il avait réuni en sa personne ces deux éléments inconciliables qu’il parvenait à avoir une claire vision de l’avenir.     

Pour nous aider à comprendre la raison pour laquelle Pharaon est satisfait de l’interprétation de Joseph, on peut citer le principe, émis par Rabbi Eléazar et énoncé par la Guémara, concernant l’interprétation des rêves : « tous les rêves se réalisent selon leur interprétation » ( Bérakhoth 55b )

Cependant s’il en est ainsi pourquoi seule l’interprétation de Joseph s’est-elle réalisée et pas celle des mages égyptiens ?  Le Midrache Rabba nous propose une mise en pratique du principe de Rabbi Eléazar : « Il arriva une fois qu’une femme vint chez Rabbi Eléazar en disant : « J’ai vu en rêve que la poutre supérieur de ma maison s’était fendue » .Il lui répondit « Tu concevras un enfant mâle, bien constitué ». Elle s’en alla, et il en fût ainsi – ayant refait le même rêve- elle revint, une autre fois, afin de l’exposer à Rabbi Eléazar. Trouvant les disciples de ce dernier assis sans leur maître, elle leur demanda « Où donc est votre maître ? ». « Expose-nous ton désir et nous y répondrons » lui répliquèrent-ils. « J’ai vu en rêve, leur raconta-t-elle, que la poutre de ma maison s’est fendue ». « Cette femme, affirmèrent-ils enterrera son mari » En les quittant, elle explosa en lamentations. Rabbi Eléazar entendant ces plaintes, les questionna… Ils lui avouèrent la chose. « Et bien, leur reprocha-t-il, vous venez de causer la mort d’un homme… Tous les rêves dépendent de leur interprétation. 

Ce midrache évoque un principe psychologique moderne à savoir l’influence mutuelle entre le psychique et le somatique. Lorsque Rabbi Eléazar annonce à la femme qu’elle mettra au monde un enfant mâle et bien constitué, il a fait ancrer cette idée qui a fait abdiquer à cette femme son libre arbitre. Désormais elle se laissera mener et imprégner par l’explication du rêve prémonitoire. D. dans son respect du libre arbitre, qu’il a accordé à l’être humain, laissera les événements se réaliser conformément à l’interprétation.

En ce qui concerne Pharaon, l’interprétation des devins égyptiens ne lui a pas supprimé son libre arbitre. Il a gardé son sens critique, c’est ce que le midrache veut dire en précisant : « Leurs voix n’entraient pas dans ses oreilles » On ne peut pas considérer un rêve sans tenir compte de son destinataire.

Notre Sidra traite également des relations entre Joseph et ses frères. A ce sujet, une réaction de Joseph paraît hermétique et difficilement compréhensible. Les frères venant de Canaan pour acheter du blé disent à Joseph : « Nous tes serviteurs, sommes douze frères, nés d’un même père, habitants du pays de Canaan, le plus jeune est auprès de notre père en ce moment, et l’autre n’est plus ». A ces paroles Joseph répond : « Ce que je vous ai déclaré subsiste : vous êtes des espions ». La réflexion de Joseph est incompréhensible. Des paroles des frères il n’est pas possible de déduire quoi que ce soit. Pourquoi les paroles des frères inspirent à Joseph l’idée qu’ils sont des espions ?

D’après Rachi Joseph déclare à ses frères qu’il ne prend pas leurs paroles en considération : « Ce que je vous ai dit subsiste : vous êtes des espions » Selon  Sforno : « Celui que vous prétendez qu’il n’est plus, sans préciser où il se trouve, il est certainement parti porter vos instructions ou se livrer lui même à l’espionnage. » Le commentaire Kéli Yakar dit lui aussi à ce sujet : « Si votre frère, le plus jeune, n’est pas avec vous, c’est qu’il est reparti, chargé d’un message secret ; c’est donc uniquement en l’amenant ici que vous pourriez démontrer votre innocence ».

On peut ajouter à ces commentaires que le terme Méraglim n’a pas tout à fait le sens d’espions dans son acception moderne, il pourrait signifier seulement que « vous n’êtes pas des gens honnêtes et droits, votre conduite cache quelque chose » car comment savez-vous qu’un de vos frère n’est plus ? Personne n’a  vu ce frère mort. Puisque je suis en face de vous »

 En les traitant d’espions, Joseph voulait leur donner une leçon de morale, à savoir : toute affirmation  doit d’abord être confirmée et la parole est un instrument à double tranchant. On peut l’utiser pour le mensonge comme pour dire la vérité. En l’occurrence les frères de Joseph ne pouvaient pas affirmer que Joseph était mort.

Rabbin Haim Harboun

           

 

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