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5 septembre 2012 3 05 /09 /septembre /2012 11:56

Ki Tavo

A propos du « peuple élu »

Am ségoula :

 Dans notre paracha Ki Tavo nous découvrons l'expression « am ségoula » traduit par « peuple précieux » ou « peuple joyau ». C'est Moïse, notre maître, qui prononce cette formule dans ce verset (Deutéronome XXVI, 18) : « Et l'Eternel t'a distingué pour être pour Lui un peuple précieux. » Ce n'est pas, néanmoins, la première fois que l'expression apparaît, puisqu'elle a déjà été exprimée à deux reprises auparavant. La première fois lors de la révélation du Sinaï : « Vous serez pour Moi précieux (ségoula) d'entre tous les peuples. » (Exode XIX, 5) ; l'autre fois, en ouverture du Deutéronome, paracha Vaéthanan (VII, 6) : « C'est toi que l'Eternel ton Dieu a choisi afin d’être pour Lui un peuple précieux (am ségoula) d'entre tous les peuples. »

Cette notion de « peuple élu » a fait couler beaucoup d'encre parmi les sages et les penseurs d'Israël, comme elle a interpellé la conscience non juive. Il reste certain que si Moïse a tenu à doubler cette expression dans son discours ultime, c'est qu'il s'agit d'une notion importante. Le peuple d'Israël devait l’entendre en son temps, comme chaque génération devrait intégrer comme élément constitutif de son identité profonde, en tant que peuple de la Torah.

Dans le discours antijudaïque :

Dans le discours antijudaïque (qui s'est développé ensuite en antisémitisme) l'expression « peuple élu » définirait une qualité intrinsèque du peuple d'Israël. Israël est l'élu de Dieu, selon un choix arbitraire du Tout Puissant. Dans cette logique de lecture, l'humanité serait disqualifiée, ou tout au moins aurait une valeur humaine inférieure. Partant de cette interprétation, le peuple juif fut vilipendé en paroles quand ce ne fut pas en actes. Du coup, le Dieu créateur d'Adam et Eve fut réduit à une divinité nationale, et le monothéisme ramené à une simple monolâtrie.

Voir le contexte :

Or cette lecture partisane et idéologique est fausse ; elle occulte le contexte dans lequel l'expression am ségoula apparaît. Relisons, en effet, les trois passages qui mentionnent cette locution pour constater de façon significative que les verbes qui la précèdent sont toujours au futur (ou à l'inaccompli). En d'autres termes, la notion de « peuple élu » ou « peuple précieux » ne désigne pas un état de l'être israélite, mais un projet, un devenir. Il s'agit d'une demande divine à l'égard de la collectivité d'Israël. De plus, si l'identité d'Israël était « naturellement » précieuse aux yeux de Dieu, comment expliquer que le même Moïse puisse déclarer quelques paragraphes plus loin, dans la paracha Haazinou (XXXII, 6) : « Peuple corrompu, et point sage" ou (Ib. 20) « car c'est une génération versatile, des enfants qui n'ont pas eu confiance / foi (émouna) » ?

Autre argument : A l'analyse, nous découvrons effectivement que l'expression am ségoula n'apparaît pas dans un rapport (gratuit) de l'Eternel vis-à-vis d'Israël, mais, bien au contraire, dans un rapport d'exigence à l’égard d'Israël vis-à-vis de Dieu. Cet argument s'inscrit du reste tout à fait dans la logique de notre paracha, qui pose « si vous écoutez la voix de Dieu... et si vous n'écoutez pas... ».

Corollairement, dans aucun des trois passages nous ne trouvons cette expression isolée ; elle est toujours suivie (immédiatement) d'un appel au respect de la Torah et des mitsvoth, c'est-à-dire ce qui dans l'alliance (bérith) entre Dieu et Israël exprime la part qui incombe au peuple d’Israël.

Si un érudit de la Torah venait argumenter disant : « Mais n'est-il pas écrit sous forme de promesse (Deutéronome XXVI, 19) : ‘afin qu'Il te place très haut en honneur, en renommée et en splendeur, au-dessus de toutes les nations qu'Il a faites, et que tu sois un peuple saint pour l’Eternel, ton Dieu, comme Il l'a dit’. »?

Les conditions de l’alliance :

A cela nous répondrons que la réponse se trouve dans la question elle-même, puisque le verset se clôture par « comme Il l'a dit ». Et où cela a-t-il été dit précédemment ? Au moment du don de la Torah, quand l'Eternel définit ainsi la vocation d'Israël au milieu de l'humanité (Exode XIX, 5) : "Et maintenant si vous écoutez Ma voix et si vous gardez Mon alliance, [alors] et vous serez pour Moi un joyau entre tous les peuples. » En d'autres termes, si Israël ne garde pas l'alliance, s'il n'écoute pas la voix de l'Eternel, il ne pourra mériter ce titre de noblesse, il ne pourra prétendre être « l'émir de Dieu » ici-bas.

L'on comprend donc qu'il ne s'agit là ni d'une supériorité biologique ou d'une qualité d'âme plus raffinée, mais bien d'un projet qui concerne les hommes d'Israël, en tant qu'hommes invités à devenir

Philippe Haddad

 

 

 

Haftarath parachath Ki tavo

 « Malheur aux nations du monde… »

Dans cette haftara, Hachem promet aux enfants d’Israël de leur « apporter de l’or au lieu de cuivre, de l’argent au lieu de fer, du cuivre au lieu de bois, et du fer au lieu de pierres » (Isaïe 60, 17). Comme l’explique Radaq, Hachem réparera de cette façon les spoliations que nous ont fait subir les peuples du monde, qu’Il obligera ainsi à nous indemniser de nos dommages.

Mais suffira-t-il à nos pires ennemis, pour se racheter de leurs crimes, de nous verser de l’or et de l’argent ?

« Rabbi Yo‘hanan a enseigné : Malheur aux nations du monde qui n’ont d’autre moyen de réparer leurs torts que par de l’or et de l’argent ! Mais répareront-ils la mort de rabbi Aqiba et de ses collègues qu’ils ont massacrés ?

Pour eux il est écrit : “Je les purifierai, certes, [des autres transgressions], mais de leur sang [de rabbi Aqiba et de ses collègues] Je ne les purifierai pas” (Joël 4, 21). » (Adapté de Roch hachana 23a selon le commentaire du Maharcha).

Comment ne pas penser ici aux assassins de tous les âges qui, après nous avoir massacrés, ont cherché à réparer leurs crimes en nous versant des indemnisations !

 

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