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19 juin 2009 5 19 /06 /juin /2009 16:19

Depuis les temps les plus reculés les nations possèdent leur drapeau qui, porteur de divers symboles, était déployé au cours de cérémonies ou de conflits armés. Au fil du temps telle couleur ou tel signe figurant sur le drapeau se sont mis à convoyer un message particulier : hisser un drapeau blanc signifiant une reddition à l’ennemi ou une demande de trêve ; le drapeau rouge, une mise en garde ; le drapeau noir le danger de noyade ; la croix rouge sur fond blanc un emplacement politiquement neutre. Chaque régiment déploie son étendard, garni au sommet de la hampe d’un symbole particulier ; chaque peuple possède son drapeau, symbole de son indépendance et de son identité.

 

Dans la Bible, les bannières sont mentionnées à plusieurs reprises après l'exode d'Egypte, chaque tribu arborant la sienne. Nous lisons dans Nombres (II, 1-2) L'Eternel parla à Moïse et à Aaron en ces termes : Rangés chacun sous une bannière distincte, d'après leurs tribus paternelles, ainsi camperont les enfants d’Israël. Rachi, le grand commentateur médiéval, explique : Chaque drapeau doit porter un signe distinctif, un morceau d'étoffe de couleur différente, la couleur de chaque tribu concordant avec celle de la pierre précieuse qui lui était attribuée sur le pectoral [du Grand-Prêtre].

 

 

 

 

Les bannières et emblèmes ne sont pas mentionnés dans les sources juives après l’entrée des tribus d'Israël en Terre promise. Dans l'ouvrage Shevet Yehuda, un consul romain du nom de Marcus rapporte les propos d’un témoin qui se trouvait à Jérusalem un jour de Kippour pendant la période du Deuxième Temple : Tous les citoyens de Jérusalem défilaient devant lui [le Grand-Prêtre] avec des flambeaux ardents de cire blanche, ils étaient tous vêtus de blanc, et toutes les fenêtres étaient décorées de broderies et illuminées. Il se peut que ces broderies fussent en réalité des drapeaux.

 

On trouve mention d'un drapeau dans l'un des manuscrits de la mer Morte : Le jour du couronnement du roi, il faut procéder à la cérémonie suivante : convoquer une parade militaire à laquelle participeront tous les Israélites âgés de 20 à 60 ans portant les bannières de chaque cité d'Israël (Yigaël Yadin, The Temple Scroll).

 

 

Le bouclier ou étoile de David est constitué de deux triangles équilatéraux superposés formant six branches. Au fil du temps, cet hexagone est devenu un symbole juif. Savants et commentateurs fournissent de nombreuses raisons à cette symbolique : certains pensent que l'étoile de David reflétait l'ordre des tribus pendant leurs pérégrinations dans le désert et la manière dont elles campèrent autour de la Tente d'assignation après la sortie d'Égypte.

 

Pour les kabbalistes, le bouclier de David constitue un symbole religieux juif lié à la rédemption, puisque le Messie sera descendant de David. Le prophète Isaïe propose six définitions des honneurs à rendre au Messie, correspondant aux six branches de l'étoile de David : Or un rameau sortira de la souche de Jessé, un rejeton poussera de ses racines. Et sur lui reposera l'esprit du Seigneur : esprit de sagesse (1) et d'intelligence (2), esprit de conseil (3) et de force (4), esprit de science (5) et de crainte de Dieu (6) (Isaïe, XI, 1-2).

 

En outre, l'étoile de David indique les quatre points cardinaux : le nord, le sud, lest et l'ouest, le paradis au sommet et la terre ici-bas, Dieu régissant l’ensemble. Le bouclier de David est aussi employé comme un talisman, assorti de versets des Psaumes et des noms de certains anges, voire de bénédictions pour le succès des entreprises, la santé, les accouchements, etc.

 

L'étoile de David a servi aussi de motif décoratif à de nombreux peuples, faisant son apparition dans un contexte juif dès le VIIe siècle avant J.-C. Pour les autres nations, elle n'était pas investie dune signification religieuse ou nationale, encore qu'ici et là lui étaient attribuées des propriétés magiques. Les juifs en décoraient leurs édifices, leurs pierres tombales, voire la reliure de leurs ouvrages. En 1307, une Bible manuscrite de Rabbi Yossef bar Yehuda ben Marvas de Tolède est décorée d’un bouclier de David. Dans le premier livre de prières - imprimé à Prague en 1512 - figure un bouclier de David sur la couverture. Le colophon de l'ouvrage porte, entre autres mentions, la phrase suivante : Chaque homme sous sa bannière suivant la maison de ses ancêtres... et sera accordé un présent généreux à quiconque étreint le bouclier de David.

 

Dans la mémoire collective du peuple d’Israël, le bouclier de David symbolise l'espoir en l'avenir, l’étoile qui illuminera les cieux. Selon le penseur juif Franz Rosenzweig (1886-1929), l’étoile à six branches représente la Création, la révélation de Dieu.

 

 

La menora (chandelier à sept branches), la mezouza (rouleau de parchemin fixé sur le montant des portes dans les maisons juives), le shofar (corne de bélier) et le talith (châle dans lequel le juif se drape quand il prie, dont la forme et la couleur ont inspiré le drapeau du peuple juif), sont autant de symboles nationaux et religieux du judaïsme.

 

Quand Théodore Herzl, le visionnaire de l’état juif moderne organisa le premier Congrès sioniste à Bâle en 1897, il envisagea le déploiement d’un drapeau officiel pour les représentants du peuple juif réunis pour la circonstance. Dans son ouvrage L'État juif (1896), il écrit à ce propos : Nous n'avons pas de drapeau et nous en avons besoin pour diriger des foules . Il faut que nous puissions brandir un symbole au-dessus de leurs têtes. [...] Pour ma part, je pencherais pour un drapeau blanc garni de sept étoiles dorées, le fond blanc symbolisant la nouvelle vie (réservée au peuple juif), les étoiles les sept heures bénies de nos journées de travail. ainsi les juifs iront vivre dans leur nouveau pays sous des couleurs symbolisant le travail.

 

Herzl confia la conception du drapeau du peuple juif à son assistant, David Wolfsohn. Dans une lettre au baron Hirsch, il écrit : S’ils me demandent avec dérision : c’est quoi, ce drapeau ?, je répondrai qu’un drapeau n'est pas une hampe surmontée dune pièce de tissu ; un drapeau, c'est un objet symbolique et national. Avec un drapeau on peut conduire des gens n'importe où, même en Terre promise.

 

David Wolfsohn hésita quant à la facture du drapeau, qui devait être prêt pour l'ouverture du Congrès. « Sur la requête de notre dirigeant, Herzl, je me rendis à Bâle pour procéder à tous les préparatifs en vue de l'ouverture du premier Congrès. Parmi les nombreux problèmes que j'avais à résoudre, il y en avait un qui, pour n’être pas spécialement ardu me préoccupait beaucoup et renfermait toute la problématique juive. Avec quel drapeau allions-nous décorer la salle du Congrès ? Quelles seraient ses couleurs ? J'eus soudain une illumination : nous avions déjà un drapeau, bleu et blanc, le talith dont nous nous drapons pendant la prière. Ce serait notre emblème ; de châle de prière nous le transformerions en drapeau que nous hisserions devant Israël et les Nations. Cest ainsi que je commandai un drapeau bleu et blanc, avec un bouclier de David en son centre. » Ainsi naquit l'étendard du peuple juif.

 

Au huitième Congrès sioniste, qui se tint 'à Prague en 1933, une résolution officielle fut adoptée concernant le drapeau : Le drapeau bleu et blanc est celui de l'Organisation sioniste et du peuple juif, conformément à une tradition ancestrale.

 

Des suggestions sur la forme et sur la couleur du drapeau avaient déjà fait l'objet de débats avant Herzl et Wolfsohn.

 

Après la déclaration d'Indépendance de l'État d'Israël en 1948, David Ben-Gurion écrivait à propos du drapeau national : «  Le drapeau de l'État est le symbole de notre continuité et de notre unité historique, du renouveau de l'identité de notre peuple. Transcendant les gouvernements successifs et les forces conflictuelles, il est le ciment de l'unité, de la solidité, de la solidarité et de l'histoire de ce pays et de ce peuple. Le drapeau sioniste symbolise les aspirations du peuple hébreu dépourvu de pays à la liberté, l'indépendance, la souveraineté et légalité dans sa patrie... Désormais le drapeau national sera le reflet, non seulement des aspirations, mais encore de notre présence et de notre développement vitaux et historiques. Il symbolisera l'unité d'Israël, son unicité et son avenir indépendant, le lien entre toutes les générations, depuis les origines de notre peuple et à jamais. »

 

 

D’après Yoav Rheims

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